Fémini(sti)sation de la politique ou comment dépatriarcaliser le pouvoir pour (vraiment) le partager

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« Si les organisations continuent à être hiérarchiques et patriarcales, elles continueront à exclure certaines personnes, parce qu’elles ne peuvent ou ne veulent tout simplement pas s’adapter aux modes de fonctionnement masculins […]. Il convient de promouvoir des valeurs et des pratiques traditionnellement sous-estimées dans la vie politique, telles que la recherche de consensus, l’empathie et la coopération, l’expérience non académique, le leadership collectif et l’attention. » Collectif Feministisation of Politics

Féminiser, féministiser ou encore dépatriacaliser la politique, qu’est-ce que cela implique ?

Depuis la première loi sur la parité du 6 juin 2000, le nombre de femmes en politique a augmenté à chaque scrutin. Pourtant, après les élections municipales de 2020, les femmes ne constituent toujours pas la moitié des membres des conseils municipaux en France et ne représentent que 19,8% des maires. Dans les listes citoyennes et participatives, on comptait cependant 39,1% de femmes parmi les têtes de liste contre seulement 22,9% dans l’ensemble des listes dans les communes de plus de 1000 habitant·es.

Si féminiser la politique peut être entendu comme une augmentation de la présence des femmes dans ce domaine socialement réservé aux hommes, une meilleure représentation des femmes n’assure pas qu’elles aient les moyens effectifs de participer à la vie politique et notamment d’accéder aux postes de pouvoir.

Féministiser ou dépatriarcaliser la politique implique surtout de faire « de la politique autrement » en repensant la gouvernance de façon à ce qu’elle soit plus coopérative et horizontale, en permettant à la pluralité des réalités vécues d’être représentée, en prenant soin des individu·es, en portant des valeurs et des politiques plus inclusives qui répondent aux besoins collectifs des femmes, des minorités et qui réduisent les inégalités.

A quoi sont confrontées les femmes élues au sein de communes participatives ? Comment s’émanciper collectivement d’un système politique construit par et pour les hommes blancs hétérosexuels et issus de classes sociales favorisées ? En quoi cette rupture avec le système actuel est nécessaire pour tendre vers une démocratie directe où chacun et chacune peut participer aux décisions politiques ?

« Le pouvoir machiste et patriarcal c’est un « pouvoir sur », un pouvoir qui empêche, un pouvoir de domination, alors que de façon féministe, le pouvoir est entendu comme « un pouvoir de », un pouvoir collectif de créer, de transformer notre réalité et la société. »

Sophie Bourgade

9e adjointe à la Ville inclusive, à la lutte contre les discriminations et à l’égal accès au service public à Chambéry, ambassadrice du réseau Élues locales.

« On ne peut pas être féministe et ne pas être anti-raciste, la lutte féministe doit se mener contre tous les autres axes d’oppression. […] Il faut s’autoriser à être reloue et avoir une politique de zéro tolérance de tous les propos sexistes, racistes, classistes, validistes qu’on peut entendre […] accepter aussi d’être reprise par d’autres parce qu’on a tous·tes des schémas qui sont racistes, sexistes, transphobes, homophobes. On a besoin d’humilité sur le sujet et de créer une culture où c’est plus valorisé de reprendre quelqu’un·e qui dit quelque chose qui ne va pas que de tenir ce genre de propos [discriminatoires]. »

Laetitia Hamot

Maire de La Crèche, « On pense souvent qu’une commune n’a pas beaucoup de pouvoir et bien ce n’est pas vrai, il y a beaucoup de pouvoir discret qui est dans sa main et notamment celui de faire maillage pour se sauver les unes les autres [avec des hébergements d’urgence par exemple]. […] C’est définitivement nécessaire de faire réseau, de faire sororité. »

Maria Francesca De Tullio

Chercheuse et militante italienne au sein de communs et d’espaces autogérés, membre du collectif Feministisation of Politics au sein du réseau municipaliste européen.

« Quand on essaie de soulever le thème du patriarcat à l’intérieur des organisations politiques on risque toujours d’être instrumentalisé·es par les ennemis politiques. Du coup on ne trouve jamais l’espace pour en parler, ça crée parfois des conflits en interne, on nous voit comme des personnes qui créent des problèmes. On a eu besoin de créer ce collectif sans hommes cisgenre pour en parler et pour développer des outils. »

🗂️Quelques ressources partagées :

« Lutter ensemble contre les comportements oppressifs », réalisé par l’équipe soin à l’occasion des rencontres nationales d’Actions communes de 2024 à Vaour.

Manifeste et protocole anti-oppressions, 2023 – Université d’été des Mouvements Sociaux et des Solidarités

Féminisons la politique ! Guide pratique élaboré par le mouvement municipaliste, Laura Roth, Irene Zugasti Hervás, Alejandra de Diego Baciero, Rosa Luxemburg, Stiftung, 2020 disponible dans plusieurs langues sur Rosa-Luxemburg-Stiftung Brussels Office.

Feministisation of Politics · EMN et le Feministisation of Politics Full Report (en anglais)

Citizen Public Debt Audit – Experiences and methods, Maria Lucia Fattorelli, CADTM, 2013 (en anglais)

L’Homme politique, moi j’en fais du compost, Mathilde Viot (co-fondatrice de Observatoire des VSS en politique), Stock 2022 ainsi que son entretien-podcast « Composter l’homme politique », par Victoire Tuaillon dans Les Couilles sur la table, Binge Audio, 2022.
Une sélection de violentomètres

« Comprendre les inégalités dans la cour d’école par Edith Maruéjouls », Emilie Brouze, Le Nouvel Obs, 19 février 2017 ainsi que le livre Faire je(u) égal : Penser les espaces à l’école pour inclure tous les enfants, Edith Maruéjouls, Double Ponctuation, 2022

Le podcast qui donne des outils sur les questions de genre et sur les violences éducatives. « C’est quoi l’amour, maîtresse ? », Lolita rivé, Binge Audio, 2023

Politiser le self-care, Camille Teste, Binge Audio, 2023, ainsi que son entretien « LE « BIEN-ÊTRE » : DANGER OU SOLUTION ? », réalisé par Salomé Saqué pour Blast, 23 mai 2023.