Lancement de la dynamique de Recherche dans Fréquence Commune
16 avril 2021
En avril 2021 nous avons passé trois journées intenses de […]
En avril 2021 nous avons passé trois journées intenses de réflexions sur la dimension recherche dans la coopérative grâce à l’arrivée dans l’équipe de Fréquence Commune, de Myriam Bachir, maîtresse de conférence en sciences politiques à la faculté d’Amiens. Nous avons choisi de combiner cette rencontre avec l’accompagnement de l’équipe d’élu‧e‧s de Rochefort-sur-Loire par Tristan Rechid et Mathilde Houzé de Fréquence Commune pour ancrer notre réflexion avec elle sur le terrain.
Loin d’être exhaustif, cet article est un partage subjectif d’échanges internes dans l’équipe de Fréquence Commue suite à l’arrivée de Myriam et la concrétisation d’un binôme de recherche avec Elisabeth Dau, co-fondatrice de la coopérative, déjà très active sur ces questions (Cf Un bilan des dynamiques de listes participatives aux élections municipales françaises en 2020 – Elisabeth Dau).
Nous avons passé la première journée à accueillir Myriam dans l’équipe et à échanger sur la manière dont pourrait se passer son implication dans la Coopérative et surtout sur les besoins d’analyse et de recherche de la dynamique de transformation démocratique dans les communes dont nous sommes témoins.
Listes « citoyennes » ou listes « participatives » ?
La taille de la commune est un critère qui nous semble déterminant pour bien comprendre la dynamique des listes participatives, les listes que nous avons suivies en 2020 et qui ont bousculé les pratiques politiques sont pour la grande majorité des petites communes, 80 % d’entre-elles comptent moins de 10 000 habitant‧e‧s. Ce sont des communes rurales, où les logiques, le « professionnalisme » politique, la culture de parti politique (postures de groupe, rapports de force, jeux de pouvoir, stratégie électoralistes aux différentes échéances républicaines) n’interfèrent quasiment pas dans les dynamiques portées par des habitant‧e‧s « lambda ».
Sans chercher à discréditer l’intérêt de la vague verte, il nous semble fondamental de mettre le focus sur la vague citoyenne des municipales de 2020, complètement absente des médias et jusqu’à maintenant de la recherche, et sur ces dizaines de milliers d’habitant‧e‧s qui ont monté des listes en mettant au cœur la transformation démocratique radicale dans leurs communes.
C’est aussi la spécificité de Fréquence Commune que d’accompagner, de rendre compte et d’analyser la transformation démocratique dans les petites et moyennes communes. Ce n’est pas vraiment un choix stratégique de la Coopérative mais plutôt une conséquence des dynamiques propres aux équipes d’élu‧e‧s plus enclines à transformer radicalement la démocratie dans ces communes. En effet, ce sont dans ces petites et moyennes villes que des élu‧e‧s nous contactent avec une forte volonté de transformer la démocratie, en acceptant de commencer par s’appliquer à eux-mêmes les changements qu’ils veulent mettre en place : travailler leur démocratie interne, la position de pouvoir du maire, des adjoints et des autres élu‧e‧s pour pouvoir ensuite réellement ouvrir les décisions aux habitant‧e‧s.
Il faut également prendre en compte la complexité qu’engendre la taille des grandes villes et métropoles. La transformation démocratique demanderait un énorme travail qui n’est malheureusement souvent pas la priorité pour des élu‧e‧s qui doivent gérer le quotidien de la gestion communale de plusieurs centaines de milliers d’habitant‧e‧s et qui sont pris dans des logiques d’urgence climatique et sociale. Mais peut-on changer le climat sans changer le système politique ?
Combattre le centralisme médiatique des grandes villes n’est donc pas chose facile c’est pourquoi il nous semble fondamental de différencier l’analyse des listes écologistes « citoyennes » et des listes participatives. Ce sont deux phénomènes différents, peut-être complémentaires, mais qui ne vont pas impacter de la même manière la culture politique et la transformation écologique et sociale. Ils sont donc pour nous à étudier comme tel.
Une approche complètement nouvelle de la transformation démocratique ?
Après la première journée de terrain avec l’équipe d’élu‧e‧s de Rochefort-sur-Loire, Myriam Bachir nous a partagé un premier ressenti : l’aspect totalement nouveau de l’approche de la transformation démocratique qu’elle a pu constater. Bien entendu, il est impossible de mesurer objectivement cette nouveauté en une journée de terrain, mais la sincérité de la démarche des élu‧e‧s de Rochefort-sur-Loire, leur capacité à questionner les enjeux de pouvoir interne, la recherche de décision collégiale et transparente, la volonté inhabituellement forte d’associer directement les habitant‧e‧s aux décisions, la révolution de l’utilisation des outils et méthodes de la sociocratie à l’intérieur d’une organisation municipale et le travail d’empowerment de ces primo-élus non professionnels de la politique qui accèdent aux affaires, laisse entrevoir pour elle la possibilité d’un champ de recherche et d’analyse radicalement nouveau.
Réflexions de formateur‧trices : un juste milieu entre conseils et accompagnement
Myriam nous a aussi rapidement questionné sur la formation en touchant des points qui nous interrogent depuis le début. Le principal questionnement qui nous a animé pendant cette première soirée de discussion a été le choix difficile fait dans nos accompagnements entre une posture de conseil, en apportant des propositions, des pistes de solution au groupe (notamment sur le schéma de gouvernance) ou être uniquement dans l’accompagnement, à 100% dans une démarche d’émergence sans colporter les pratiques et les propositions des autres communes. C’est un point que l’on a tranché pour l’instant dans les accompagnements où l’on assume le fait d’apporter, en partie, des propositions.
Ce que Myriam Bachir questionnait n’était pas vraiment le fait d’apporter des propositions mais plutôt la manière d’affiner ce processus d’accompagnement en réussissant à bien repartir des problématiques que les élu‧e‧s font émerger dans la première partie de l’accompagnement et ainsi d’offrir un cadre pour que les élu‧e‧s puissent adapter, modifier, questionner les propositions que les formateurs de Fréquence Commune apportent pour se les approprier et créer leur propre schéma d’organisation municipal.
Nous avons tous bien en tête le risque d’uniformisation des pratiques des communes du réseau que peut créer l’équipe de formateur‧trices de Fréquence Commune par l’apport de propositions pendant les accompagnements. Mais nous constatons que l’apport de ces propositions et de ces questionnements sont pour les équipes d’élu‧e‧s très souvent un atout indéniable. Cela répond en grande partie aux problématiques qu’ils soulèvent pendant la première matinée de formation et qui sont souvent les mêmes : circulation de l’information en interne, rôle du‧de la maire, réunions interminables où tout le monde donne son avis sous prétexte d’horizontalité du fonctionnement, manque d’efficacité dans les prises de décisions, retour à des formes de prises de pouvoir par quelques uns souvent faute d’efficacité dans la prise de décision collective, etc.
De plus, comme le souligne Tristan Rechid (formateur chez Fréquence Commune), « les idées que l’on apporte au groupe lors des accompagnements ne sont pas sorties du chapeau, ce sont le fruit de plusieurs années de travail de terrain avec les autres communes, ce sont les élu‧e‧s que l’on a accompagné qui ont trouvé cette base de nouvelle organisation communal : le pouvoir exécutif est séparé du pouvoir politique et ce sont les groupes de travail qui deviennent des lieux de pouvoir et de décisions ouverts aux habitant‧e‧s. Pour nous en tant que formateur‧trices tout est une question de dosage à trouver dans les accompagnement, trouver la juste manière de partager les pratiques d’ailleurs tout en laissant un maximum de place à l’émergence collective du groupe« . C’est un questionnement et une vigilance qui nous traversera sûrement pendant longtemps dans l’organisation de nos accompagnements.
Le mot de la fin
En première impression, Myriam a souligné le caractère innovant, en laissant échapper le qualificatif « révolutionnaire », que pourrait engendrer cette distinction entre l’instance politique et l’instance exécutive dans les communes ainsi que l’organisation de la co-construction et de la co-décision, non plus au centre de l’organisation historiquement dans le bureau municipal mais bien dans les instances périphériques que sont les groupes de travail ouverts aux habitant‧e‧s. Elle souligne également le très grand intérêt de l’accompagnement qui offre un cadre de remise en question du fonctionnement municipal ancré depuis 200 ans, sanctuarisé dans le droit de l’organisation des municipalités : rôle du conseil municipal, règlement intérieur, rôle des bureaux municipaux, rôle du maire et des élu‧e‧s, etc.
Thomas SIMON (co-fondateur de Fréquence Commune)
1Insee, Recensement de la population, population municipale en vigueur en 2018, https://www.insee.fr/fr/statistiques/4277602?sommaire=4318291