Témoignage de Élea, tirée au sort : quand le pouvoir toque à la porte.
26 avril 2023
"Écouter des gens parler, je l’ai déjà fait toute ma scolarité. Moi ce que je voulais c’était apprendre à être une citoyenne." Eléa a 27 ans, elle a été tirée au sort pour faire partie de l’assemblée citoyenne de Poitiers. Cette expérience a transformé sa manière de voir la politique. Témoignage passionnant d'une jeune femme à la rencontre de son pouvoir citoyen.
« J’ai été tirée au sort pour concevoir le fonctionnement de l’Assemblée citoyenne de Poitiers, définir les règles de cette instance démocratique. Je me souviens que c’était un vendredi. J’entends sonner, je vais ouvrir et je vois Thomas (accompagnateur de Fréquence Commune) et un élu à la ville. Déjà surprenant de voir un élu et qui plus est, qui vient taper à ma porte. Ils me présentent tous les deux le projet et même si ça me paraissait flou, j’en comprenais les grandes lignes. A ce moment-là, j’étais emballée par l’idée, je n’avais pas hésité une seule seconde à dire oui. Je suis très curieuse et j’étais en quête de m’engager dans la vie de la cité d’une manière ou d’une autre. Ça tombait à pic !
Je n’avais encore jamais exercé mon droit et devoir de citoyenne, celui d’aller voter (ou peut-être une fois lors de ma majorité). Je ne l’avais pas encore fait car je n’y mettais absolument aucun sens. La croyance que j’avais était que mon vote n’avait aucune utilité, aucun impact dans le système actuel. Écouter des gens parler pour défendre des intérêts cachés, ça ne m’a jamais intéressé. C’était plutôt une perte de temps. Et écouter des gens parler, je l’ai déjà fait toute ma scolarité. Moi ce que je voulais c’était apprendre à être une citoyenne.
En parallèle de cette expérience d’intelligence collective bluffante, je finissais mes études pour devenir éducatrice spécialisée. Cette formation m’a permis d’enfin comprendre concrètement l’impact des décisions prises tout en haut de la pyramide sur la vie des gens qui sont tout en bas. Donc mon vote, aussi petit soit-il, participerait indirectement aux politiques sociales mises en place. C’est l’assemblée qui a été un tremplin dans cette réflexion pour passer à l’action. Elle m’a propulsée dans l’envie d’aller voter aux prochaines élections.
Parce qu’en venant taper à ma porte, on m’a donné la chance d’expérimenter la vraie politique, celle où je me sens utile, considérée, écoutée, où je peux confronter mon avis avec d’autres, sans animosité, où on n’est pas là pour nourrir notre égo, juste échanger sur le fond des choses. Ça a été possible grâce aux méthodes d’animation incarnées par les animateurs expérimentés, pour justement faire émerger cette intelligence collective. On a vécu LA démocratie, la décision par le peuple. Et le peuple ça n’était pas que les habitants, c’étaient les agents de la ville, les élus et les facilitateurs. On était une équipe. Notre but n’était pas de trouver UNE solution, mais d’en creuser plusieurs et de se mettre d’accord.
Si on n’était pas venu taper à ma porte, je n’aurais sûrement pas entendu parler de l’assemblée. Car trop éloignée de ce monde, je ne savais pas comment fonctionnait réellement une commune, je ne savais même pas ce qu’était un agent, cette petite fourmi de l’ombre. Tout ça pour dire que j’étais loin des canaux d’informations qui m’auraient permis d’accéder à l’assemblée par mes propres moyens. Quand bien même j’aurais vu l’info tourner, j’aurais été réticente à y aller, voire je n’aurais pas osé. Car la voir sur un flyer m’aurait fait bien moins d’effet et aurait suscité bien moins d’engouement que des personnes qui se sentent concernées et qui viennent taper à ma porte pour venir me chercher. Ça n’est pas parce qu’on ne nous voit pas, qu’on ne nous entend pas, qu’on ne se sent pas concernées !
J’étais la dominée, consciente de l’être, mais ne sachant pas quelle porte ouvrir pour enfin agir à mon échelle, pour arrêter de râler, arrêter de parler, juste agir pour du concret ! Et c’est grâce à l’assemblée pensée par la ville de Poitiers et les démarches de porte-à-porte que j’ai pu apporter ma pierre à l’édifice et expérimenter ma citoyenneté ».
Élea, citoyenne de la ville de Poitiers.
Retrouvez l’intégralité de la conférence sur le tirage au sort.