Lundis en Commun #7 – Festif ! – Une vague participative !
7 juillet 2020
Ce lundi 6 juillet 2020, une vingtaine d’élus et habitant.e.s se sont retrouvés pour un moment festif en ligne et pour parler de manière plus informelle que les lundis en commun précédents de leur campagne, de la manière dont ils continuent le combat démocratique après les elections municipales, en dedans et en dehors de la Mairie, en étant élus de la majorité ou de l’opposition. La parole est à vous !
Dominique de Meudon : “Je suis dans la liste Meudon écologie citoyenne. Nous avons perdu mais 6 personnes de notre liste se retrouvent aujourd’hui élus de l’opposition contre 60 élus majoritaires du maire sortant. La tâche est rude, nous nous sommes donné comme objectif de montrer une association pour aider les élus de l’opposition pour essayer d’améliorer la participation et la transparence. Nous avons aussi travaillé avec Elisabeth Dau dans le cadre des ateliers sur le règlement intérieur pour travailler la question de la place des élus de l’opposition dans le conseil municipal.
Bruno de Saint-Médard-en-Jalles (32000 hab) : “Nous sommes aujourd’hui élus de la majorité à Saint-Médard-en-Jalles. On a monté une liste participative, radicale dans la méthode et les propositions de refonte du schéma municipal. Notre devise : “Zéro promesses, un seul engagement, celui d’un schéma municipal où les décisions sont partagées” ou encore “Le politique c’est l’habitant, l’élu son représentant”. Nous nous sommes notamment appuyés sur le travail fait par La Belle Démocratie (voir =>la boussole démocratique). Le confinement aura eu au moins un effet positif chez nous : il nous a permis de prendre le temps de faire plus ample connaissance avec les listes en face, d’échanger, de bien nous faire comprendre sur nos intentions, de clarifier et valider nos conditions en cas de fusion. C’est même allé plus loin, nous avons réussi à acculturer la liste de gauche avec laquelle nous avons fusionné aux méthodes de prises de décision collective et de participation ! Pendant le confinement, nous avons aussi pris le temps d’établir un contrat de coopération clair qui sécurise nos engagements et ambitions démocratiques au sein de cette alliance. Cette fusion nous a donc assuré la victoire (de 45% sur le papier on est passé à 53%). 30 élus sur 39 issus de cette fusion se retrouvent à la majorité du conseil municipal. 11 élus de la liste participative de départ sont aujourd’hui élus de la majorité. Sur ces 39 élus de la majorité, 13 sont encartés et 17 sont de “simples” citoyens, là pour faire les choses autrement que dans les partis politiques traditionnels”.
Claire de Auray (Morbihan, 13000 hab) : “Je suis maire depuis la semaine dernière. Sur les 33 élu.e.s au conseil municipal, 24 sont issu.e.s de la liste citoyenne. Voilà comment ça s’est passé pour nous : on a monté une liste citoyenne en s’alliant avec les personnes encartées à gauche (PC, PS, etc.), moi je venais d’EELV. On était les seuls à gauche donc ça nous a facilité la tâche ! Mais on a demandé aux partis politiques de ne pas s’impliquer dans notre campagne, on tenait à garder notre autonomie, notamment sur la communication. Nous nous inscrivons aussi dans une super communauté de commune, beaucoup de choses sont à faire de ce côté là aussi. Je serai aussi vice présidente de la communauté de communes.
Vladimir de Valencia (Espagne) : Ces victoires françaises font chaud au cœur ! On suit le mouvement citoyen français depuis l’Espagne, notamment avec Commonspolis. Il y a un net renforcement de ce qui fait l’action et la force municipale, de l’échelon local, on observe une maturation du réseau et des plateformes, de plus en plus de sessions de réflexions, de retours d’expériences s’organisent. En effet, la rétrospective et la mise en réseau est fondamentale, c’est très important de se ressourcer et d’apprendre des expériences voisines. De notre côté en Espagne, une fois les municipalités gagnées en 2015, on s’est retrouvés orphelins de la presse. Le réseau municipaliste n’a pas vraiment réussi à se construire un réseau pour faire passer un récit. C’est pour ça aussi que la mise en réseau est importante : pour fédérer un réseau et porter un récit commun, puissant et qui ait de l’impact.
Thomas de Fréquence Commune : On peut se servir des expériences de nos voisins espagnols pour avoir un coup d’avance. Nous nous mettons régulièrement en contact avec eux pour gagner du temps et ne pas reproduire les mêmes erreurs ! (D’ailleurs, ils parlent de nous dans leur presse 🙂 ).
Eric : Aujourd’hui on m’a parlé d’un petit village nommé Vaour dans le Tarn. Ils ont fait une élection sans candidat dès le premier conseil municipal pour choisir le/la Maire. Généralement ce choix est coopté, mettre en place ce genre de méthode dès le premier conseil municipal, c’est chouette !
Thomas de Fréquence Commune : Il y a effectivement 4 communes autour de Vaour qui ont gagné. C’est une super opportunité pour avoir du poids à l’échelle de la communauté de commune.
Bruno de Saint-Médard-en-Jalles : J’aimerais parler du sujet sur le tiraillement entre d’une part la volonté de radicalité démocratique du collectif et d’autre part les compromis à faire quand on fait alliance avec les autres listes, souvent issues de partis politiques.
Nous, à Saint-Médard-en-Jalles, pendant le premier tour on s’est posé beaucoup de questions à ce sujet. À Toulouse par exemple, ils ont fait tout un travail participatif avec les habitant.e.s et se sont finalement alliés avec des partis politiques. On a testé notre “coefficient” démocratique grâce à l’outil de la boussole démocratique, on est arrivé à une “surface” démocratique de 95% selon les critères de la boussole, alors qu’après avoir fait alliance, on a du baisser nos ambitions à 65%. La question est-elle de mettre en place 65% des choses ou bien rien du tout (risque de perdre en ne s’alliant pas). On a choisi le 70% en s’alliant. Ceci dit, j’ai vu dans certaines communes des listes qui se disaient citoyennes car sans les partis politiques, mais en réalité le fonctionnement n’avait pas grand chose de démocratique. La boussole est très utile pour faire le diagnostic.
Le contrat de coopération va nous être utile pour faire respecter nos accords. S’il n’est pas respecté on quittera le conseil municipal. Notre mission est de transformer les pratiques des autres aussi : on va essayer de faire pencher la diagonale de la gouvernance verticale vers la gouvernance horizontale.
Thomas de Fréquence Commune : L‘avenir nous montrera les forces et les faiblesses des alliances.
Ondine de Fréquence Commune : 66 listes participatives ont gagné les élections et sont aujourd’hui élus majoritaires. La majorité d’entre elles ont effectivement gagné grâce aux alliances avec d’autres listes dans l’entre deux tours. Mais effectivement, comme le dit Bruno, les alliances permettent une acculturation et une transmission des méthodes participatives d’une liste à l’autre, des initiés aux néophytes. Plus ces méthodes de gouvernance partagée se transmettront plus le retour vers des formes autoritaires et verticales de pouvoir sera difficile.
Guillaume Gourgues maitre de conférences en science politique à l’Université Lumière Lyon : Dans le fonctionnement de la décentralisation, on n’est pas dans un schéma de dépossession des maires par les interco et l’Etat, mais les maires ont apprivoisé les instances intercommunales et ont transféré ce qui les embêtent à cette échelle là, sans regard citoyen. La médiocrité politique locale est aussi le produit des maires eux mêmes. Comment on va renverser une ville en mettant le pied dans les petits arrangements entre élus. Ex: Saillans et la difficulté d’avoir l’ancien maire dans l’interco. Comment dynamiser le pouvoir intercommunal par le bas ?
Bruno de Saint-Médard-en-Jalles : Question pour Vladimir de Valencia : “en France on avait des exemples de villes avec des outils de participation citoyenne. Y a-t-il eu en Espagne un recueil d’expériences, d’outils et d’analyses de la participation citoyenne ?
Vladimir de Valencia : De nombreux dispositifs ont été mis en place, notamment dans des grandes villes avec Decidim. Justement, commonspolis va faire une seconde partie sur le mooc municipalisme pour parler de la résolution de problèmes par le rapport d’expériences. Il y a aussi El atlas del campio où on a réuni toutes les politiques publiques qui ont été lancées en 2015 par les plateformes municipalistes. Quelques unes ont été répertoriées dans le mooc. C’est un travail qu’il faut continuer d’alimenter.
Le municiaplisme espagnol est vécu de manière très détachée de la réalité de l’Europe. En 2015, ils avaient tous le nez dans le guidon car dans l’avant garde. Les plateformes et réseaux ont mit beaucoup de temps à se mettre en place, c’est pourtant indispensable pour soutenir et mettre en réseau ce changement à l’échelle européenne. Cette compilation exhaustive reste à faire. Ceci dit, il y a une tendance chez les municipalistes espagnols à ne pas faire des outils des choses qui peuvent tout résoudre : ce sont des outils qui se mettent au service d’un projet politique => comment penser la municipalité comme un instrument pour redonner du pouvoir à ces mouvement sociaux et aux citoyens. Les outils doivent rester des moyens, il ne faut pas les fétichiser car la démocratie est à entretenir continuellement, rien n’est acquis, c’est un processus continu.
Elisabeth Dau, Directrice du programme Municipalisme, Territoires et Transitions – Mouvement Utopia et CommonsPolis : El Atlas del cambio présente des entrées par thématiques, alors que sur le terrain français, c’est plutôt une analyse par les outils qui est susceptible de nous parler. Municilab a beaucoup documenté les expériences. Ce qui est à tirer côté français c’est de ne pas perdre la capitalisation de ce “côté vécu”. Par exemple, le rapport aux partis politiques, les alliances, il ne faut pas que ça passe derrière nous maintenant que la campagne est finie. Il faut relater tout ça pour que ça réserve par la suite. On oublie vite car on est rapidement dépassé par les évolutions.
Philippe Séranne a introduit ce moment festif en jouant une chanson “le temps des gens” qu’il a joué lors de ses trois tours de France avec Tristan Rechid. “On est allé dans une cinquantaine de communes ensemble pour développer les méthodes d’intelligence collective au sein des collectifs citoyen et des municipalités. La musique et la convivialité permet de mettre en mouvement la politique”.